La pierre de Crazannes : un patrimoine naturel historique et culturel hors normes

pierre de crazannes

Les premiers à m’avoir façonnée sont les Romains… j’ai ensuite servi à l’édification et à la restauration de monuments célèbres comme le Fort Boyard, la Cathédrale de Cologne ou encore la Statue de la Liberté… une aire d’autoroute entre Saintes et Rochefort porte mon nom… une végétation luxuriante a pris place dans certains recoins de mes carrières… d’autres aiment me sculpter collaborativement là où je perdure… Je suis… La pierre de Crazannes ! Direction la Charente-Maritime pour découvrir cette roche calcaire extraordinaire, vieille de 90 millions d’années.   

 

Sur la route des vacances

Vous roulez à une allure modérée sur l’A837 entre Saintes et Rochefort. Le soleil est doux en ce début de juillet et la circulation est légèrement dense. Bref, votre séjour en Charente-Maritime commence bien. Soudain, Alfonse le petit dernier est pris d’une envie pressante. Vite, un arrêt à la première aire d’autoroute s’impose ! En attendant que votre progéniture se soulage, un tourniquet vert attire votre regard au loin. D’une humeur curieuse ce jour-là, vous le franchissez. Dès lors, un monde nouveau s'ouvre à vous : 13 hectares époustouflants, mélanges de pierres blanches géantes et de gorges étroites envahies d’une jungle verdoyante. Bienvenue dans les anciennes carrières de la Pierre de Crazannes, en activité pendant 2 000 ans. Une richesse naturelle, un patrimoine historique niché aux abords de l’autoroute, fléché par les panneaux routiers « Les Sentiers de la pierre », accessible à pied depuis le parking de l’aire de repos « La Pierre de Crazannes ».

 

La pierre de Crazannes : une success story à travers les âges et les contrées

La Pierre de Crazannes ne date pas d’hier ! Finement grenu, homogène, blanc clair et même tendre, son calcaire appartient à la série du Crétacé supérieur. Autrement dit, la plus récente des deux époques de cette période géologique, datée entre 100 et 66 millions d'années. Son âge est donc estimé par les experts à environ 90 millions d'années. Elle est ensuite découverte et extraite par les Romains dès le 1er siècle pour construire leurs voies de circulation et certains monuments comme l’arc Germanicus à Saintes. La pierre de Crazannes a ensuite été exploitée par les carriers près de 2 000 ans, jusque dans les années 50, période phare du béton.

Blanche, comme la géologie locale en offre beaucoup, cette pierre reste néanmoins une pierre exceptionnellement pure. En effet, la pierre de Crazannes est composée à 98% de calcaire. Ainsi, une fois extraite et exposée à l'oxygène ambiant, l'eau contenue dans le calcaire s’évapore et laisse les sels minéraux à la surface du bloc. De quoi former une couche de finition sèche et homogène, rendant la pierre de Crazannes pratiquement imperméable en seulement quelques mois. C’est cette protection naturelle de grande qualité qui a fait sa renommée. Mais pas seulement ! Humide grâce à la nappe phréatique issue de la Charente, sa tendreté avant extraction a permis de la conditionner et d’en faire le commerce facilement. C’est pour toutes ces raisons que la pierre de Crazannes devient un produit de choix pour la construction. On la retrouve donc sur de nombreuses cathédrales et églises romanes de la région, de remparts, de forts, de phares et de ports. À partir du 16ème siècle, elle fera même le tour du monde, exportée de la côte basque à la côte bretonne, en Europe et aux États-Unis. Transportée sur des charrettes spéciales jusqu'à la Charente, elle était ensuite acheminée par bateau depuis Rochefort.

 

Les carrières de Crazannes reconverties en théâtre de verdure à ciel ouvert

La nature a repris ses droits dans les anciennes carrières, inactives depuis plus d’un demi-siècle. Et pour cause ! À seulement 16 mètres de profondeur, la nappe de la Charente est déjà présente. C’est pourquoi seuls 107 hectares ont pu être creusés par les carriers de Crazannes et qu’« une canopée très soudée, quasi étanche » occupe désormais les lieux, explique Stéphane Majeau, enfant du pays et responsable du Pôle-Nature de la Pierre de Crazannes. Le soleil et l’eau ne pénétrant guère au fond des canyons façonnés par les anciens exploitants et l'humidité étant omniprésente, « cela a permis le développement d'une végétation quasi équatoriale » s'émerveille Stéphane Majeau. Fougères scolopendres, aussi appelées « langues de cerf », orchidées, mousses, lianes… le dépaysement est garanti dans cette Charente-équatoriale, classée espace naturel sensible par le département, désireux de préserver la faune et la flore locales. Les anciennes carrières de Crazannes sont devenues un refuge pour oiseaux : 42 espèces dont 38 nichent sur place. Tout comme 244 espèces d’insectes, 25 d’araignées, 22 espèces de mammifères, ainsi que 8 reptiles et amphibiens. Ainsi, les parcours au travers des anciennes concessions prennent « un petit côté Indiana Jones » qui étonne et ravit les visiteurs. En effet, depuis 1997, un musée raconte l'histoire des carrières de Crazannes et le métier de carrier au gré de visites guidées le long de 10 escaliers et 280 marches. Au programme : découverte de chaque galerie et recoin et leurs histoires surprenantes. Un sentier balisé, le sentier de Genny accessible depuis l’aire d’autoroute, permet également de déambuler à travers cette faune et cette flore exceptionnelles.

Les Lapidiales : quand la pierre de Crazannes prend vie

Si les carrières de Crazannes ont vu la nature reprendre ses droits, d'autres sites perriers locaux connaissent un destin bien différent. À 2 km à peine, dans un joli bois de la commune de Port d'Envaux, se cachent notamment les Lapidiales : le projet fou d’un artiste singulier, Alain Tenenbaum, homme de théâtre et sculpteur. Dès les années 2000, il voit dans les anciennes carrières des Chabossières le moyen de synthétiser ses 2 arts en donnant vie à la pierre locale. L’idée est de créer un espace d’art en constante évolution, un « chantier perpétuel », ouvert aux sculpteurs de tous horizons, où des artistes des cinq continents sculptent les falaises de pierre calcaire et créent une gigantesque fresque collaborative. En bref, un musée vivant à ciel ouvert. Il faut dire que la pierre de Thénac (17) et de Migné (86) sont un bonheur pour les tailleurs français et étrangers, débutants comme chevronnés. « C'est une pierre au grain très fin, parfaite pour la sculpture. D'autant qu'elle ne contient pas de coquillage, qui est la hantise du sculpteur » raconte Stéphane Majeau, tailleur de pierre de formation, « la finesse du grain permet de la poncer pour lui donner un aspect poli. » La diversité des influences, des cultures, des imaginaires font des Lapidiales une œuvre collective unique et sensible, où la création fait corps avec la nature. Mais le projet fou d’Alain Tenenbaum ne s’arrête pas là ! En effet, les 24 et 25 juin 2023, une nouvelle œuvre monumentale sera inaugurée : la Galaxie des Pierres Levées, à Plassay non loin des carrières des Chabossières, pour célébrer toujours un peu plus les cultures du monde. L’ambition de ce nouveau lieu touristique et culturel : ériger d’ici 2060, sur 5 hectares, 365 mégalithes de 2,80 mètres de haut et 80 centimètres de large, taillés à la main. 60 premières sculptures, toutes fabriquées au sein des Lapidiales, seront disposées pour l’inauguration. 

N'attendez pas une envie pressante pour tomber par hasard sur ces joyaux ! Pressez-vous sur l’autoroute A837 entre Saintes et Rochefort (et uniquement dans ce sens !) ou tout simplement dans ce magnifique coin de Charente-Maritime pour accéder aux sites et faire le plein de verdure, d’histoire et de culture.

 

 

Crédit photos : Merci © Les blogueurs de charenteperigord.fr !

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