Les carrières d’ardoise : le bon filon de la Corrèze (19)

Les carrières d’ardoise : le bon filon de la Corrèze

Saviez-vous que la France consomme à elle seule près de la moitié de la production mondiale d’ardoise ? Avec 200 000 tonnes utilisées par an, c’est l’un des matériaux les plus prisés pour la couverture de nos maisons individuelles et de nos monuments historiques. S’il existe encore aujourd’hui quelques sites de production, les ardoisières du centre de la France, peu célèbres, sont pourtant particulièrement remarquables. Situées au cœur de la Corrèze, ces carrières sont les témoins de l’histoire géologique de ce territoire et d’un savoir-faire ancestral. Alors qu’elles ont failli disparaître au seuil du XXème siècle, quel est leur secret pour alimenter encore aujourd’hui les chantiers de restauration des plus grands monuments du monde, comme le Mont Saint-Michel ? La Vie en Pierre vous emmène à la découverte de ces ardoisières.

 

La Corrèze et l’ardoise : plus de cinq siècles d’histoire

Tout commence à la fin du XVIème siècle lorsque les villageois de Donzenac et d’Allassac, au cœur du département, décident de remplacer leurs toits de chaume par un nouveau matériau caché dans les collines avoisinantes : l’ardoise. Rapidement, ils se professionnalisent et décident de lancer l’exploitation commerciale des gisements. Les toits de la région se couvrent alors de cette pierre locale, qui devient le matériau phare de couverture corrézienne.

De la fin du XIXème siècle au milieu du XXème siècle, c’est l’âge d’or des ardoisières. Près de 200 ouvriers travaillent sur le site de Travassac et plus de 500 à Allassac. Mais la Seconde Guerre mondiale, l’arrivée de matériaux composites et la concurrence internationale entraînent la fermeture de nombreuses carrières françaises, notamment en Bretagne et en Anjou, régions traditionnellement reconnues pour leurs productions. Deux irréductibles résistent malgré tout dans le centre de la France : les ardoisières de Corrèze.  

En 1989, Jean-François Bugeat, issu d’une famille d’ardoisiers de père en fils depuis 1802, décide de reprendre le flambeau à Travassac après le départ à la retraite de son père. Seul durant 3 ans pour perpétuer ce savoir-faire ancestral, il finit même par rouvrir l’ardoisière d’Allassac en 2006 pour faire face à la demande grandissante en ardoises corréziennes.

 

La reine des ardoises

Un succès et une longévité qui s’expliquent par des qualités exceptionnelles dues à leur structure géologique issue de roches volcano-sédimentaires sans pyrite, une variété minérale composée de disulfure de fer. Parfaitement imperméables, les ardoises de Corrèze sont également résistantes au gel, à la flexion et aux chocs… notamment ceux provoqués par la grêle. 

Inaltérables, elles garantissent donc des toitures plus que centenaires. Autour des ardoisières de Travassac et d’Allassac, la plupart des maisons en sont d’ailleurs encore couvertes, comme celles du célèbre village de Collonges-la-Rouge.

La qualité remarquable de cette pierre locale fait d’elle un matériau de couverture recherché en France et à travers le monde, pour les constructions récentes comme les monuments historiques. Elle trône par exemple au sommet du Mont-Saint-Michel, de l’église du Sacré-Cœur à Rodez et sur les toits du Limousin et de l’Auvergne. L’ardoise de Corrèze est même considérée comme la reine des ardoises ! Encore faut-il trouver le bon filon pour l’exploiter… 

 

L’art de l’ardoise

En Corrèze, l’extraction de l’ardoise se fait exclusivement à ciel ouvert, au cœur des collines de schiste. Cette exploitation prend la forme de “tranchées” verticales, appelées aussi filons. Elles sont creusées en parallèle jusqu’à atteindre une paroi de quartzite, roche dure qui est, elle, inutilisable. Pour détacher les blocs d’ardoise, les ardoisiers utilisent la poudre noire, comme la poudre à canon. Ils extraient en moyenne 1 tonne par jour.

Puis vient le temps du façonnage de la roche. Le rebillage permet de débiter les gros blocs d’ardoise en morceaux plus petits. Le clivage permet de réaliser des feuilles d’ardoises et enfin la taille permet de donner à l’ardoise sa forme, selon les traditions : carrée en basse Corrèze et alentours et ogivale dans le Massif Central. Les gestes et les outils n’ont pas changé depuis les origines des ardoisières. Délicate, l’ardoise de Corrèze jouit d’un savoir-faire ancestral, précieusement conservé et entretenu. Il faut compter 3 ans d’apprentissage à un ardoisier pour maîtriser chaque geste. La production d’ardoise est en effet 100 % artisanale, sans carburant, ni eau, ni électricité. Elle est donc très respectueuse de l’environnement avec également une valorisation sur le lieu d’extraction et une utilisation de la totalité des déchets d’ardoise pour le dallage, l’enrochement ou encore la décoration.

Tels des géants de pierres, les ardoisières corréziennes sont de grandes parois verticales de 60 mètres de haut, plongeant jusqu’à 300 mètres dans le cœur de la colline. Des lieux uniques et insolites, à découvrir sans tarder. 

 

Plongée au cœur d’une ardoisière de Corrèze

La Vie en Pierre vous recommande notamment la visite des Pans de Travassac, lieu touristique spécialement conçu en 1997 pour donner accès au public à cette ardoisière impressionnante. Vertigineux, semblable à un canyon, les Pans offrent pour décor un magnifique mélange du minéral gris anthracite et du végétal, jusqu’à 60 mètres de hauteur. Il faut attendre le retour des beaux jours, entre avril et fin octobre, pour aller déambuler dans les « perses », ces trous creusés autrefois pour faire passer les wagonnets… voire pour y plonger. En effet, cette ancienne carrière est devenue un spot incontournable des férus de profondeur. Sur 50 mètres, dans une eau limpide, les plongeurs apprécient particulièrement ce site naturel spectaculaire, entre les failles d’ardoise.

La pierre corrézienne a encore beaucoup de secrets à vous livrer et des espaces naturels insoupçonnés à vous faire découvrir, façonnés par l’homme au cours des siècles. Pensez à rajouter les Pans de Travassac à votre liste de sites géologiques à arpenter. De quoi ramener de jolis clichés à partager sur nos réseaux.

 

Crédits photos : UNICEM Nouvelle-Aquitaine

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